YouTube entre avec fracas dans la musique en ligne payante

YouTube entre avec fracas dans la musique en ligne payante

Le site vidéo de Google menace de supprimer les clips de maisons de disques indépendantes. Une plainte a été déposée devant la Commission européenne.

Le lancement du futur service de musique payant de YouTube vire au concert de fausses notes. Des labels indépendants viennent de déposer une plainte devant la Commission européenne pour abus de position dominante, après que Google, son propriétaire, les a menacés de supprimer toutes leurs vidéos musicales de son site.

YouTube

YouTube travaille depuis des mois sur un nouveau service payant concurrent de Deezer et de Spotify. Les internautes pourront bientôt visionner des clips ou écouter des morceaux audio débarrassés de toute publicité, moyennant un abonnement mensuel. Pour lancer cette offre, YouTube a dû faire la tournée des maisons de disques et renégocier ses contrats. Les trois majors et certains indépendants ont signé, mais de nombreux labels lui résistent encore. Ces frondeurs gèrent les intérêts de milliers d’artistes comme Adele, Vampire Weekend ou les Arctic Monkeys.

«Les discussions achoppent sur les éléments financiers. Les rémunérations proposées aux indépendants sont inférieures à celles obtenues par les majors ou offertes par d’autres services streaming», affirme Jérôme Roger, directeur de l’Union des Producteurs phonographiques français indépendants (UPFI). YouTube aurait en outre refusé aux indépendant de leur verser des avances sur recettes.

La situation, déjà explosive, a dégénéré mi-juin lorsque le directeur des opérations commerciales de YouTube, cité par le Financial Times, a menacé de déréférencer les clips de toutes les maisons de disques qui n’accepteraient pas ses nouvelles conditions de rémunération. Dans l’esprit de Google, tout clip proposé sur la version gratuite de YouTube devra être référencé dans la version payante.

La menace de Google a été vécue comme la provocation de trop par les indépendants, et a précipité le dépôt d’une plainte à Bruxelles. «La Commission doit intervenir au plus vite pour empêcher YouTube d’imposer ses nouvelles conditions et lui interdire de mettre en œuvre les contrats déjà signés», affirme Helen Smith, présidente de l’associations des labels indépendants Impala, chargée de la plainte à Bruxelles. Impala souhaite que le groupe américain soit condamné à une lourde amende, comme celle infligée à Microsoft pour abus de position dominante dans les navigateurs Internet.

Google est numéro un du streaming musical gratuit

La marge de manœuvre des maisons de disques est faible. «Un label peut difficilement obtenir la signature d’artistes sans proposer d’accès à YouTube. Il n’existe pas d’alternative», déplore Helen Smith. YouTube est le site de vidéos musicales le plus visité au monde. Plus de 25 millions de Français s’y pressent tous les mois, soit sept fois l’audience de Deezer. Les clips, monétisés par de la publicité, constituent une fenêtre d’exposition et une source de revenus complémentaires appréciables, alors que les recettes des ventes de disques continuent de chuter.

C’est la raison pour laquelle certains indépendants ont préféré rejoindre Google. «YouTube est un des rares acteurs qui a la capacité de changer la donne sur le marché du streaming, en orientant les internautes vers de la musique payante», estime Denis Ladegaillerie, président et fondateur de Believe Digital. «Les différences de taux sont minimes et sont dans les niveaux du marché», ajoute-t-il.

«Les seules capables de tenir la dragée haute aux grandes plateformes de diffusion sont les majors. Les indépendants ont-ils déjà pu négocier une virgule des contrats proposés par Apple avec iTunes?», nuance de son côté Yves Riesel, fondateur d’Abeille musique et de la plateforme musicale Qobuz, qui a choisi lui de ne pas mettre son catalogue sur YouTube. «Les indépendants n’ont pas le même fonds de catalogue que les majors et ne tireront de toute façon pas grand-chose du streaming .»


«Soit vous suivez les règles de Google, soit vous disparaissez du Web»

L’Open Internet Project a apporté son soutien aux labels indépendants. L’association, qui regroupe 400 acteurs franco-allemands du Web, avait déjà déposé une plainte à Bruxelles en mai contre Google pour abus de position dominante. Son fondateur, Olivier Sichel, également PDG du site LeGuide.com détenu par Lagardère, s’en explique.

LE FIGARO. – Pourquoi soutenez-vous le combat des labels indépendants?

Olivier SICHEL. – Google fait avec les maisons de disques ce qu’il a fait avec les agences de voyages, les comparateurs de prix ou les sites d’avis de consommateurs. Il fait levier sur sa position dominante dans la recherche pour mettre en avant ses propres services, comme YouTube, et imposer des clauses léonines lors de ses négociations avec les fournisseurs de contenus. Google a les moyens de faire la pluie et le beau temps en toute impunité. Soit vous suivez ses règles, soit vous disparaissez du Web. Cela tue tout investissement dans les domaines auxquels s’attaque Google, et décourage l’innovation. Ce n’est pas bon non plus pour les choix des consommateurs, qui méritent d’avoir un Internet libre.

La Commission européenne avait déjà ouvert une enquête contre Google. Qu’apporte votre plainte?

La proposition d’accord actuellement négociée par Joaquín Almunia, le commissaire à la Concurrence, n’est pas concevable. Google propose de réserver des espaces dans ses résultats aux sites concurrents de ses services, et à vendre ces positions aux enchères. Cette solution conduirait à faire monter les prix du marché au bénéfice de Google, ce qui se répercuterait sur les prix payés par les consommateurs. Nous avons aussi libéré la parole de beaucoup d’acteurs européens du Web, qui ont peur de Google.

Quelle solution recommandez-vous?

Il faut un dégroupage de Google pour garantir la concurrence, à l’image de ce qui a été fait dans les télécoms en France et qui a conduit au succès de Free. Google doit mettre à disposition gratuitement des espaces pour les produits concurrents dans ses résultats. Ce qui se joue à Bruxelles est l’avenir de l’Internet marchand et de l’accès à l’internaute

Source : lefigaro.fr

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